On en jase...

Qu’est-ce que le « skinny shaming » ?

Sep 12, 2019

PAR LA GANG DE BAMC

Dénigrer l’apparence physique de quelqu’un, ça s’appelle du body shaming. Cette grande rubrique de comportements totalement déplacés englobe différents termes, selon l’aspect pointé du doigt. On entend de plus en plus (mais toujours pas assez) parler de la grossophobie, soit la discrimination envers les personnes qui sont grosses. Quand des gens minces ou maigres reçoivent des commentaires désobligeants à ce sujet, on parle de skinny shaming.

« Mange donc, t’as juste la peau sur les os ! Coudons, t’es-tu anorexique ? T’as l’air d’une échalote ! » Tous ces commentaires intrusifs sont irrespectueux, mais ils vont au-delà d’une banale remarque sur l’apparence. « On insinue que leur corps n’est pas beau, mais bien souvent, on soupçonne ces personnes très minces d’avoir un problème de surcontrôle de leur alimentation ou de leurs habitudes d’exercice », explique la Dre Stéphanie Léonard. 

Une impression de contrôle

« Qu’est-ce que tu fais pour être petite de même ? Tu dois être bonne, tu dois être en contrôle ! »

On a souvent l’impression que les gens minces ont « réussi » à l’être, qu’il s’agit d’une réussite, d’un accomplissement à souligner et féliciter. La vérité, c’est que plusieurs sont tout simplement naturellement minces ou ont perdu du poids pour des raisons non reliées à un régime ou une diète (par exemple, un problème de santé). Certaines de ces personnes font même le cheminement inverse ; ils essaient en vain de prendre du poids, que ce soit en mangeant plus, en prenant des suppléments ou en s’entraînant pour gagner de la masse musculaire, ce qui est souvent éprouvant. Chez les garçons, notamment, la minceur n’est pas synonyme de succès, mais plutôt considérée comme une faiblesse, parce que le modèle masculin idéal est musclé et bien bâti.

Quand on fait un commentaire désobligeant sur la minceur de l’un ou le surplus de poids de l’autre, au fond, on projette notre propre insatisfaction par rapport à nous-mêmes. « Si je regarde les gens qui sont naturellement très minces, qui n’ont généralement pas de problèmes de poids et qui se font critiquer à ce sujet, les commentaires vont venir de personnes qui sont prises dans des enjeux d’image corporelle, qui ne se trouvent pas assez minces », explique Dre Léonard. « Elles s’attaquent à la personne qui représente ce à quoi elles voudraient ressembler et pour qui ça a l’air facile de perdre du poids, alors que cette personne est plutôt mince naturellement. » 

Deux situations classiques

On observe deux phénomènes lorsqu’il est question de skinny shaming :

Le premier, c’est la personne qui est naturellement très mince et qui en souffre, parce qu’elle se fait constamment dire qu’elle est trop maigre et n’a pas assez de formes. Ces commentaires négatifs sont extrêmement dévalorisants, surtout chez les femmes qui n’ont pas beaucoup de hanches ou une poitrine menue, renforçant chez elle l’idée qu’elles ne correspondent pas aux standards de beauté reconnus par notre société.

L’autre type de situation, c’est une personne qui met beaucoup d’effort à perdre du poids et se fait valoriser par son entourage, ce qui est perçu comme un encouragement. Ce constat « d’amélioration » dans son apparence peut la mener à perdre encore plus de poids, et conséquemment, à développer un trouble alimentaire. La même chose s’applique à une personne ayant perdu du poids à cause d’une situation complètement non reliée (par exemple, un problème de santé, une opération, etc.), et qui tout à coup se fait féliciter pour sa minceur.

De réelles conséquences

Que des paroles sans impact, le skinny shaming ? Loin de là. Ces commentaires malveillants sont non seulement un manque de respect, mais ils viennent également attaquer la perception que la personne a d’elle-même et fragiliser son estime de soi. 

La personne visée par ces remarques risque de devenir obsédée par son apparence et effectuer des changements dans son mode de vie, comme porter des vêtements plus amples pour camoufler son corps ou se forcer à manger devant les autres pour les convaincre qu’elle n’a pas de problème.

Les victimes du skinny shaming peuvent devenir inconfortables dans les moments d’intimité avec leur partenaire ; elles se mettent à douter de leur capacité à attirer physiquement quelqu’un, avoir de la difficulté à se laisser aller et éviter de se dénuder.

La Dre Léonard témoigne : « Ce que je constate lors de mes consultations, c’est que le skinny shaming est comme une tache d’encre qui se répand ; un seul commentaire aura tranquillement de l’impact sur plusieurs aspects de la vie de la victime. »

Comment contrer le skinny shaming ?

Comme dans toute situation d’attaque, d’intimidation ou d’abus de toute sorte, l’important est de comprendre que le skinny shaming est inacceptable, et surtout, d’agir en nommant notre malaise. Oui, c’est correct de dire à quelqu’un que ses commentaires sur notre apparence physique nous blessent, nous rendent inconfortables ou nous insultent. Ce n’est certainement pas facile, mais c’est nécessaire afin de se débarrasser de la charge émotionnelle de ces propos et de passer à autre chose. Peut-être que l’opinion de l’autre ne changera pas, mais au moins, on ne portera plus cette tristesse en nous, et on arrivera à rebâtir notre estime de soi, un pas à la fois.

 

Fait important

Le skinny shaming et la grossophobie, deux problèmes différents

Ce qu’il ne faut pas faire, c’est mettre la grossophobie et le skinny shaming dans le même panier ; bien qu’il s’agisse de deux problèmes reliés au poids, ils sont diamétralement différents. Pour faire en sorte que les deux puissent coexister, il faut éviter de les considérer comme étant la déclinaison d’un même phénomène. 

Une personne qui subit du skinny shaming peut en souffrir émotionnellement, bien sûr, mais contrairement aux personnes victimes de grossophobie, elle ne risque pas de voir ses droits fondamentaux atteints. Comme l’explique la Dre Léonard, « une personne victime de skinny shaming ne sera pas limitée dans ses déplacements, ne verra pas ses chances d’obtenir un emploi diminuer, ne recevra pas un service moindre dans un restaurant, ne subira pas de jugement par rapport à sa personnalité. » 

Cela ne veut pas dire qu’on ne devrait pas parler de skinny shaming, même si les dommages sont différents de ceux vécus par les personnes grosses. Au contraire ! Le skinny shaming, c’est le body shaming dans sa pire version ; on démonise ce qu’on glorifie en même temps, ce qui est extrêmement malsain. On constate que bien que l’on veuille avoir « le bon corps », ce principe n’existe pas ! 

C’est pourquoi il est important de ne pas voir la grossophobie et le skinny shaming comme étant deux pôles d’un même phénomène ; bien que le premier comporte des conséquences plus tangibles et dévastatrices. Les deux peuvent coexister comme étant des enjeux qu’on a le droit de nommer.

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